mercredi 17 décembre 2008

Episode 4 : La déesse Amira

Le lendemain, j’ai réussi à convaincre Driss de venir chez Benji. Au fond, on n’a pas le choix : c’est soit l’invitation de Benji, soit c’est la même destinée que le pauvre Hassan. Et Driss le sait parfaitement. Il veut juste faire parfois son gros dur. On s’est tous réveillé tôt ce matin de dimanche pour se préparer. On est des chats de gouttière mais on est tout de même des chats propres. Même Yassine s’est levé tôt. C’est une première. Il a du rêvé toute la nuit de poisson et de tagine. Après 10 minutes de toilettes, tout le monde était propre et mignon à voir. Si on était passé dans la rubrique « A adopter » dans l’émission de 30 millions d’amis, on aurait été adopté sur le champs tellement on était beau à voir. Et on s’est mis en route vers le quartier chic du CIL, le quartier des peintres, des acteurs mais aussi le quartier d’Animal Planet, l’une des seules boutiques dédiée aux animaux. C’est d’ailleurs dans cette boutique que les paniers et les couvertures de de Benji ont été achetés, des produits très confortable mais aussi très cher dans un pays où certaines personnes n'ont pas de quoi manger.

On arrive au CIL, après 20 minutes de marche en passant par les raccourcis et les toits. Le CIL c’est un très beau quartier toujours propre et nickel. On se croirait en France, tellement c’est propre. On passe à côté de la poissonnerie du marché du CIL. Ça sentait la sardine fraîche. On s’est arrêté pour regarder les poissons et on salivait. Mais soudainement, un des vendeurs nous fit fuir en nous criant dessus « Tssap ! ». Je déteste ce mot tssap. C’est le mot que tout les marocains utilisent pour nous faire fuir, et le pire c'est ça marche !. On déguerpie sur le champs. Il y a des gens qui ont fait leur course au supermarché et qui remplissaient leur coffre de voiture, accompagné du vendeur du supermarché qui tenait le caddie. Une des personnes avait un sac de 20 kilos de croquettes pour chiens dans son caddie. Le vendeur a même eu du mal à porter le sac. Çà devait être un gros chien. Berk ! Je déteste les chiens. Bien sûr je ne vous apprends rien, tous les chats détestent les chiens. C’est d’ailleurs la guerre entre les chiens et les chats depuis la création du monde. Cette haine est génétique chez nous. Nos parents ont détesté les chiens, nos grands parents les ont détesté et nos arrières grands parents aussi. Il n’y a que les chats pacifiques qui aiment les chiens! Ils sont sales, ils font leur besoin partout dans les rues et en plus ils ne se lavent pas après. Parfois je me demande même qui est sale du maître au chien ! Nous les chats, au moins, on fait nos besoins dans certains endroits précis, puis on enterre nos déchets et juste après, on fait notre toilette. Mais les chiens ne font pas de toilette. Ils attendent que leur maître les nettoie. Et en plus, on ne comprend rien à ce qu’ils disent. Il ne parle ni la darija ni le français, il waouf waouf sans penser. Ils sont sadiques. Chaque fois qu’ils voient un chat, ils lui courent après, ça les fait marrer. Mais bon heureusement, on est plus intelligent qu’eux et plus rapide aussi. Quand on peut, on leur donne un bon coup de griffe sur le museau.

On arrivait devant la villa de Benji. C’était une magnifique villa moderne blanche avec un immense jardin et une piscine recouverte d’une bache. On est passé sous les arbustes pour pénétrer dans le jardin et on se dirigea vers le garage où il y avait le loft de Benji. Une grande pièce rien que pour Benji. On mraoula pour appeler Benji et il nous invita à entrer. La chaleur de la pièce nous frappa au visage. Il faisait très chaud. Benji avait son chauffage. Sa pièce était très confortable : il y avait des paniers, des coussins, des jouets partout. Il y avait même un petit poste de télévision où on pouvait voir le film Tom et Jerry. Il y avait aussi plusieurs gamelles avec de la nourriture dedans. Plein de nourriture. Ma bande et moi on fixait la nourriture. On attendait juste le signal de Benji, pour nous servir. Mais soudainement on entendit un beau miaulement. C’était pas un mraoulement mais un miaulement délicat. Une superbe chatte allongée sur l’un des paniers se leva.

Benji nous dit :

-Ah j’ai failli oublier, je vous présente Amira.

Je me disais comment on pouvait oublier une telle créature.

Et Amira vint vers nous pour nous saluer en se déhanchant. Ce n’était pas un chat persan. Elle appartenait à une autre race, de notre race. C’était un chat comme nous tous, mais elle avait de la classe. C’est une vraie beauté féline et marocaine. Elle était toute grise avec de magnifiques yeux verts. Son corps était sublime. C’était vraiment la Monica Belluci des chats.

On salivait tous en la regardant.

Benji se tourna vers elle :

-Amira, je te présente Hamid, Driss, Yassine et Mustapha.

Tout de suite, Mustapha répliqua :

-C’est pas Mustapha, c’est Ludovic mais pour les intimes, comme vous c’est Ludo.

Il lui baisa la patte. Ludo a toujours su être galant auprès des minettes. Il avait appris ça de son ancienne famille.

Benji nous regarda tous, fit des signes de sa patte pour nous faire redescendre sur terre et nous invita à manger. A peine sa phrase terminée, que Yassine sauta sur les assiettes. Driss et Ludo le suivirent et moi je restais regarder Amira. Je n’avais soudainement plus faim. Au diable la nourriture ! Je venais de découvrir le paradis sur terre : les chattes et Amira. Vous savez, nous, les chats on n’est pas fidèle du tout. On est des monstres. On ne connait pas l’amour éternel. Quand la saison des amours arrive, on rencontre des chattes et on fait des petits avec elle puis on la quitte pour aller à la recherche d’une autre femelle. Notre existence c’est ça : donner la vie à outrance sans aucun sentiment. Mais quand je vois Amira, je me dis que la quittait serait un crime. On ne quitte pas une beauté pareil pour aller avec une autre. On reste près d’elle toute la vie.

Benji me fis reprendre mes esprits. Il me dit :

-Hamid, tu penses à quoi ? Tu ne manges rien ! Vas-y sinon les autres ne vont rien te laisser.

Benji repartit auprès d’Amira qui lui souria.

J’enviais à ce moment là Benji. Il avait tout ce qu’il voulait. Il est beau, il a des maitres irréprochables et il a toutes les chattes de Casablanca à ses pattes. Et moi je me demandais ce que j’avais. La réalité : c’est que je n’avais rien. Pourtant on est tous des chats. On nait tous égaux. Mais foutaise ! Certains chats ont plus de chance que d’autres. Certains chats naissent persan et d’autres naissent dans la rue. Elle est là la différence. On ne verra jamais un chat persan dans la rue. Je dirai que c’est illégal, même ! Un chat persan c’est un chat qui accompagne à vie les gens les plus riches et les plus influants de la société comme les banquiers, les grands chefs d’entreprise et les ministres.

Pendant que je regardais mes amis se goinfrer et faire des réserves pour les prochaines semaines, je n’arrivais toujours pas à manger ! Je pensais sans cesse à Benji, à son avenir doré et à mon pauvre avenir. Mais surtout je pensais à Amira. Je devais me faire à l’idée : je venais de tomber amoureux d’elle.

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