lundi 5 janvier 2009
Bonne année à touch !
Prenez bien soin de vous et n'oubliez pas que la vie mérite vraiment d'être vécu et surtout, surtout amusez-vous !
mercredi 17 décembre 2008
Episode 4 : La déesse Amira
Le lendemain, j’ai réussi à convaincre Driss de venir chez Benji. Au fond, on n’a pas le choix : c’est soit l’invitation de Benji, soit c’est la même destinée que le pauvre Hassan. Et Driss le sait parfaitement. Il veut juste faire parfois son gros dur. On s’est tous réveillé tôt ce matin de dimanche pour se préparer. On est des chats de gouttière mais on est tout de même des chats propres. Même Yassine s’est levé tôt. C’est une première. Il a du rêvé toute la nuit de poisson et de tagine. Après 10 minutes de toilettes, tout le monde était propre et mignon à voir. Si on était passé dans la rubrique « A adopter » dans l’émission de 30 millions d’amis, on aurait été adopté sur le champs tellement on était beau à voir. Et on s’est mis en route vers le quartier chic du CIL, le quartier des peintres, des acteurs mais aussi le quartier d’Animal Planet, l’une des seules boutiques dédiée aux animaux. C’est d’ailleurs dans cette boutique que les paniers et les couvertures de de Benji ont été achetés, des produits très confortable mais aussi très cher dans un pays où certaines personnes n'ont pas de quoi manger.
On arrive au CIL, après 20 minutes de marche en passant par les raccourcis et les toits. Le CIL c’est un très beau quartier toujours propre et nickel. On se croirait en France, tellement c’est propre. On passe à côté de la poissonnerie du marché du CIL. Ça sentait la sardine fraîche. On s’est arrêté pour regarder les poissons et on salivait. Mais soudainement, un des vendeurs nous fit fuir en nous criant dessus « Tssap ! ». Je déteste ce mot tssap. C’est le mot que tout les marocains utilisent pour nous faire fuir, et le pire c'est ça marche !. On déguerpie sur le champs. Il y a des gens qui ont fait leur course au supermarché et qui remplissaient leur coffre de voiture, accompagné du vendeur du supermarché qui tenait le caddie. Une des personnes avait un sac de 20 kilos de croquettes pour chiens dans son caddie. Le vendeur a même eu du mal à porter le sac. Çà devait être un gros chien. Berk ! Je déteste les chiens. Bien sûr je ne vous apprends rien, tous les chats détestent les chiens. C’est d’ailleurs la guerre entre les chiens et les chats depuis la création du monde. Cette haine est génétique chez nous. Nos parents ont détesté les chiens, nos grands parents les ont détesté et nos arrières grands parents aussi. Il n’y a que les chats pacifiques qui aiment les chiens! Ils sont sales, ils font leur besoin partout dans les rues et en plus ils ne se lavent pas après. Parfois je me demande même qui est sale du maître au chien ! Nous les chats, au moins, on fait nos besoins dans certains endroits précis, puis on enterre nos déchets et juste après, on fait notre toilette. Mais les chiens ne font pas de toilette. Ils attendent que leur maître les nettoie. Et en plus, on ne comprend rien à ce qu’ils disent. Il ne parle ni la darija ni le français, il waouf waouf sans penser. Ils sont sadiques. Chaque fois qu’ils voient un chat, ils lui courent après, ça les fait marrer. Mais bon heureusement, on est plus intelligent qu’eux et plus rapide aussi. Quand on peut, on leur donne un bon coup de griffe sur le museau.
On arrivait devant la villa de Benji. C’était une magnifique villa moderne blanche avec un immense jardin et une piscine recouverte d’une bache. On est passé sous les arbustes pour pénétrer dans le jardin et on se dirigea vers le garage où il y avait le loft de Benji. Une grande pièce rien que pour Benji. On mraoula pour appeler Benji et il nous invita à entrer. La chaleur de la pièce nous frappa au visage. Il faisait très chaud. Benji avait son chauffage. Sa pièce était très confortable : il y avait des paniers, des coussins, des jouets partout. Il y avait même un petit poste de télévision où on pouvait voir le film Tom et Jerry. Il y avait aussi plusieurs gamelles avec de la nourriture dedans. Plein de nourriture. Ma bande et moi on fixait la nourriture. On attendait juste le signal de Benji, pour nous servir. Mais soudainement on entendit un beau miaulement. C’était pas un mraoulement mais un miaulement délicat. Une superbe chatte allongée sur l’un des paniers se leva.
Benji nous dit :
-Ah j’ai failli oublier, je vous présente Amira.
Je me disais comment on pouvait oublier une telle créature.
Et Amira vint vers nous pour nous saluer en se déhanchant. Ce n’était pas un chat persan. Elle appartenait à une autre race, de notre race. C’était un chat comme nous tous, mais elle avait de la classe. C’est une vraie beauté féline et marocaine. Elle était toute grise avec de magnifiques yeux verts. Son corps était sublime. C’était vraiment la Monica Belluci des chats.
On salivait tous en la regardant.
Benji se tourna vers elle :
-Amira, je te présente Hamid, Driss, Yassine et Mustapha.
Tout de suite, Mustapha répliqua :
-C’est pas Mustapha, c’est Ludovic mais pour les intimes, comme vous c’est Ludo.
Il lui baisa la patte. Ludo a toujours su être galant auprès des minettes. Il avait appris ça de son ancienne famille.
Benji nous regarda tous, fit des signes de sa patte pour nous faire redescendre sur terre et nous invita à manger. A peine sa phrase terminée, que Yassine sauta sur les assiettes. Driss et Ludo le suivirent et moi je restais regarder Amira. Je n’avais soudainement plus faim. Au diable la nourriture ! Je venais de découvrir le paradis sur terre : les chattes et Amira. Vous savez, nous, les chats on n’est pas fidèle du tout. On est des monstres. On ne connait pas l’amour éternel. Quand la saison des amours arrive, on rencontre des chattes et on fait des petits avec elle puis on la quitte pour aller à la recherche d’une autre femelle. Notre existence c’est ça : donner la vie à outrance sans aucun sentiment. Mais quand je vois Amira, je me dis que la quittait serait un crime. On ne quitte pas une beauté pareil pour aller avec une autre. On reste près d’elle toute la vie.
Benji me fis reprendre mes esprits. Il me dit :
-Hamid, tu penses à quoi ? Tu ne manges rien ! Vas-y sinon les autres ne vont rien te laisser.
Benji repartit auprès d’Amira qui lui souria.
J’enviais à ce moment là Benji. Il avait tout ce qu’il voulait. Il est beau, il a des maitres irréprochables et il a toutes les chattes de Casablanca à ses pattes. Et moi je me demandais ce que j’avais. La réalité : c’est que je n’avais rien. Pourtant on est tous des chats. On nait tous égaux. Mais foutaise ! Certains chats ont plus de chance que d’autres. Certains chats naissent persan et d’autres naissent dans la rue. Elle est là la différence. On ne verra jamais un chat persan dans la rue. Je dirai que c’est illégal, même ! Un chat persan c’est un chat qui accompagne à vie les gens les plus riches et les plus influants de la société comme les banquiers, les grands chefs d’entreprise et les ministres.
Pendant que je regardais mes amis se goinfrer et faire des réserves pour les prochaines semaines, je n’arrivais toujours pas à manger ! Je pensais sans cesse à Benji, à son avenir doré et à mon pauvre avenir. Mais surtout je pensais à Amira. Je devais me faire à l’idée : je venais de tomber amoureux d’elle.
Episode 3 : Invitation à déjeuner au CIL.
Aujourd’hui samedi on a eu la visite surprise de notre ami Benji. Ses maîtres sont venus au Maarif pour faire des courses. Il était 10 heures du matin et Driss, Yassine, Ludo est moi étions à moitié endormi sous les capots de voiture quand Benji nous a appelé. Driss et moi nous sommes sortis de notre cachette à moitié réveillé et nous vîmes Benji splendide comme toujours. Ses poils brillaient, il venait de s’être fait une manucure et pédicure et en plus il sentait bon. Il avait même sa propre eau de toilette.
-Salut les mec !, nous lança-t-il.
-Salut Benji, en même temps.
-Je suis venu vous voir parce que demain on organise une fête à la villa et je voudrais vous inviter pour manger les restes. Il y aura pleins de bonnes chances, de la Bsstla, du thon, du tagine…bref de quoi vous remplir la panse pour des jours.
Je lui réponds :
-Merci beaucoup Benji de penser à nous. C’est vrai que les temps sont dur et qu'on ne trouve pas grand chose en ce moment.
-Je vous attends donc demain à midi. Venez tous. Je dois y aller. A demain les gars.
-A demain.
Benji repartit tel un pacha en balançant son épaisse queue de gauche à droite. D’ailleurs sur son passage, toutes les petites minettes du quartier le regardaient telles des miradors en mraoulant. Benji ne les calcula même pas. Nous quand on passe, ces minettes ne nous regarde même pas. Elles nous méprisent ou font semblant de ne pas nous voir. On est pourtant du même quartier. Mais non ! Ce qu’elles aiment chez les chats, c’est leur pouvoir. Le chat peut être laid, elle vont tout de même l'admirer et l'adorer. Mais nous autres, on a pas de pouvoir. On ne sait même pas ce que l'on va manger demain.
Et soudainement, Driss s'exclame :
-Il se prend pour qui ce Benji ! Il nous invite à manger les restes, on est des chats de gouttière c’est vrai, mais on est pas désespérés. On a un minimum de fierté ! Je déteste les chats persans alors ! Ils ont un tel mépris vis à vis de ceux qui ne sont pas persans.
Je lui réponds :
-Driss, ne t’emportes pas ! C’est gentil de sa part. Il n’était pas obligé de venir jusqu’ici. De toute façon, on a pas le choix on meurt de faim. Je n’ai pas envie de devenir comme le pauvre Hassan qui est mort de faim et de froid dans son trou à rat avant hier.
D’un coup, le gros Yassine se lève :
-Vous avez parlé de manger ?
Ludo lui répond :
-Oui, Benji est venu nous voir il y a quelques minutes. Il nous a invité à aller manger chez lui demain. Il y aura apparemment pleins de bonnes choses .
-C’est génial ! J’ai hâte à demain. En attendant, je retourne dormir, je suis épuisé.
Et on passa la journée à dormir et àgrignoter ce que nous trouvions ici et là. On attendait avec impatience le lendemain.
vendredi 12 décembre 2008
Episode 2 : Un froid de canard.
Il fait froid à Casablanca en ce moment. Trop froid. Le froid fait chaque année beaucoup de victimes chez la population des chats. On retrouve parfois des cadavres de nos frères dans des coins perdus dans les ruelles. Ils ont gelé sur place. Un spectacle horrible. Mais les chats sont les seules victimes du froid. Chez les marocains aussi il y a des victimes. Une dizaine de personnes sont mortes de froid ces derniers jours. Pire encore, des Sans Domicile Fixe seraient morts à Béni-Mellal. Comment ça peut arriver ce genre de choses dans un pays comme le Maroc ? Nous les chats, on a pas de famille et on n’a pas besoin de famille pour vivre. Une fois qu’on a arrêté de téter, notre mère nous laisse faire notre vie librement. On se sépare. Chacun fait sa vie et survit. C’est ça nos valeurs morales en tant que chat. Mais chez les marocains, où est la famille ? Où sont les valeurs morales ? On a toujours pensé que les SDF mourraient sur les trottoirs de France ou d'Europes. Mais au Maroc, où sont les familles des SDF morts ? Ils sont morts seuls sans dignité.
Face à ce froid, ma bande et moi, on fait tout pour ne pas crever cet hiver. On a mis en place notre propre plan d’urgence contre le froid. Le ministre de l'intérieur Chakib Benmoussa serait fier de nous ! Notre stratégie : on monte sur les gouttières et on attend que des voitures se garent. Quand le conducteur et les passagers s’en vont, on se jette sur les voitures, on va en dessous et on se met près du moteur encore tout chaud. C’est comme un sein maternel. Et on s’endort sur le moteur. Mais parfois il faut sortir les griffes car vous le savez , les chats protègent jalousement leur territoire. Il suffit d’aller sur la voiture d’un territoire d’un autre chat et il attaque. Et parfois, c'est toute une meute de chats qui attaquent. Parfois ma bande et moi, on réussit à faire déguerpir ces chats. Cependant, parfois, il y a des chats qui sont plus nombreux que nous. Par conséquent, on est obligé d’abandonner sinon on va se retrouver avec un œil en moins. Être chat, c’est ça aussi, on doit mettre sa fierté de côté pour survivre. Alors, on va à la recherche d’un autre parking non conquis. Et quand on en trouve un, on s’endort sous les voitures tranquilement. Mais attention, quand on dort, nous les chats, il faut garder un œil ouvert et les oreilles levées sinon on risque de mourir écraser par la voiture une fois qu’elle se met en marche ou on risque de se faire bruler une fois que le moteur démarre. Mon ami Yassine a plusieurs fois failli devenir de la soupe de chat parce que lui, quand il dort, c’est une marmotte. Il peut y avoir un incendie ou un tremblement de terre , il ne se réveillera pas. Ludo et lui sont donc inséparables, ils font capot ensemble car Ludo est insomniaque. Il ne dort pas facilement et fait beaucoup de cauchemar. Quand il y a un danger, il met un coup de griffe dans le derrière de Yassine et là il se réveille sur le champs.
Mais parfois, après quelques heures de sommeil, quand la chaleur du moteur s'estdissipée, je me réveille et je vais me balader dans les rues pour me tenir chaud et pour voir ce qui s’y passe. Et il s’en passe des choses la nuit dans les rues de Casablanca, surtout près du Maarif. Que ce soit en hiver ou en été d’ailleurs. En marchant, je suis arrivé au niveau du boulevard d’Anfa. Et là dans la pénombre du trottoir, il y avait des jeunes filles qui discutaient et qui riaient. Je m’approchais d’elles pour écouter ce qu’elles disaient. Certaines étaient habillées de djellaba et d’autres portaient des jeans très serrés avec des décolletés plongeant. Elles discutaient d’argent. L’une expliquait que la nuit dernière elle ne s’était fait que 1200 dirhams et une autre se vantait de s’être fait 2500 dirhams. En m’approchant, l’unes d’elle m’a vu et m’a appelé.
-Minou, viens mon minou viens me voir !
Ma grande faiblesse c'est que quand je vois de jolies femmes qui m’appellent, je ne peux pas résister. Je mets au placard toutes les règles de chat sauvage et je m’approche de ces femmes. L’une des filles lui lance :
-Qu’est-ce que tu fais Fatima, ne caresse pas ce chat, il a peut –être la peste !
La jolie fille qui me caresse sur le cou lui répond :
-T’inquiètes pas Salima, il est tout gentil ce chat. Regardes-le, il ronronne.
L’autre femme lui répond :
-Tu ferais mieux de faire ronronner les hommes au lieu de faire ronronner les chats. C'est pas ses bestioles qui vont te donner ta bouchée de pain.
Fatima continue de me caresser et me chuchote à l’oreille :
-Tu as de la chance toi mon minou, tu es libre, libre comme l'air. Tu ne fais pas des choses que tu es obligé de faire. Je rêverai d’être comme toi, d'être libre et d'aller où je veux.
Soudainement, une vieille mercedes s’arrête au niveau des filles. Le conducteur baisse la vitre. Il écoutait de la musique populaire si fort que j’ai sursauté sur le coup. Il demande en criant d'une manière vulgaire à Fatima :
-Combien c’est toi là-bas ?
Fatima ne l'entend pas et continue de me caresser.
Salima appelle Fatima d’un ton sec :
-Fatima, ne vois-tu pas que tu as un client !
Fatima arrête soudainement de me caresser. Elle m’embrasse sur la tête et me dit au revoir. Elle se lève et va voir le chauffeur de la Mercedes et lui dit :
-C’est 450 dirhams.
Le chauffeur lui répond :
-400 dirhams seulement, les temps sont difficiles.
Et Fatima monta dans la voiture. La vieille mercedes démarra en trombe en laissant une fumée étouffante derrière elle. Les autres filles riaient. Je regardais la voiture s’éloignait dans le boulevard.
Je me disais qu’il fait vraiment froid à Casablanca en ce moment.
Episode 1 : "les préchentations"
Cependant ici au Maroc, on a pas la même vie que les chats français, hélas. Notre cri mraou -mraou, c’est un cri de misère, de détresse et de faim. Ici, on est des C.S.A, des Chats Sans Abri. Mais ce qu'on craint le plus, c'est les enfants qui nous donnent sans cesse des coups de pied au derrière, qui nous marchent sur les pattes ou sur la queue. C’est la torture ! Alors, pour survivre, on a appris à courir vite. Les chats marocains sont certainement les chats qui courent le plus vite au monde. Quand un inconnu s’approche de nous, on disparait sur le champs.
Moi, je suis né dans le parking du Mac Donald's de la Corniche à Aïn Diab. Ma mère s’est toujours bien occupée de mes frères et sœurs et moi. On se nourissait des restes de Big Mac et surtout de filet O'Fish. J’ai un pelage noir avec des rayures un peu vertes. J’ai également un signe distinct sur l’œil gauche : un genre d’étoile à cinq branches, un peu comme celle du drapeau marocain. Un jour, quand je savais marcher, je suis allé explorer les alentours du Mac Do. J’ai marché, marché et... marché et finalement, je me suis perdu. Je ne savais pas où j’étais. Pire encore, je ne pouvais pas revenir auprès des miens. Un peu plus tard, j’ai appris que j’avais marché de la Corniche au Maarif. Ce qui est un long trajet. Dans une ruelle sombre au Maarif, j’ai fait la rencontre de Driss, qui deviendra très vite mon meilleur copain. C’est lui qui m’a appris à devenir un vrai chat de gouttière. Il m’a appris à chercher à manger, à me défendre et à me méfier surtout des enfants. Il m’a même présenté à des amis à lui : Yassine et Ludo.
Yassine est un chat blanc obèse avec des grosses taches rousses qui ne fait que dormir et manger. Il ne sait rien faire d’autre. Quand il dort, on dirait une véritable peluche. D’ailleurs, comme il ne court pas vite, il se fait souvent attraper par les enfants qui, de manière surprenante, le caressent au lieu de le frapper. Il a vraiment de la chance, lui ! Et mon autre ami, c'est Ludo qui s'appelle en réalité Mustapha. Il a été adopté par une famille de français qui l'appelait Ludovic. C’est un pauvre chat, comme nous, mais il se prend pour un riche. Il ne parle pas la darija. Non ! Pour lui, la darija, c’est la langue du peuple ! Il ne parle que le français. Mais au fond c'est un chat très triste. Sa famille française l’a abandonné dans la rue quand elle a déménagé à Marrakech. Ça lui a brisé le cœur d'être abandonné comme une vieille chaussette. Depuis, il déteste qu'on l'appelle Mustapha, on l'appelle toujours Ludo. Physiquement, c’est un chat très fin qui perd ses poils. Il ne mange que les restes des poubelles des restaurants de luxe. Il adore par les exemples les restes de sushis. Si il ne trouve pas ce qu’il veut, il ne mange rien. Son plus grand désir c'est de partir, un jour, à patte direction Marrakech pour retrouver sa famille.
Et puis, on a aussi un autre ami chat dont je voudrais vous parler. Il vient de Fès. Il s'appelle Benji. C'est un superbe chat persan. Mais lui, il n'habite pas dans la rue. Monchieur vit dans sa luxueuse villa au CIL ! Sa famille s’occupe vraiment bien de lui. C'est un membre à part entière de la famille. Il est vacciné contre la rage, contre les puces et contre les chats pauvres ! Sa famille lui a même aménagé son propre petit coin avec jardin et piscine Au temps des amours, on lui ramène des chattes à volonté, et des chattes persanes bien sûr ! D'autres familles amènent leurs chattes chez Benji et la procréation persane est garantie. Et c'est pas tout ! Benji a sa séance de massage anti-stress tous les vendredis après-midi après son hammam. Il a également droit tous les jours à un menu gastronomique puisqu'il ne mange que des boites Félix ou Whiskas et, anchois sur la pizza, il porte autour du cou un petit collier en cuir de vachette vert avec une petite cloche en or massif. Rien que sa cloche en or peut faire vivre tous les chats du Maarif pendant plusieurs semaines. Il vient nous voir parfois quand il n’a rien de prévu les weekends et quand il ne sort pas avec sa famille.
Dans notre groupe, c’est Driss qui est le moins patient et le plus sauvage. Il les griffe sans arrêt. On a même fait un concours entre nous. Celui qui griffe le plus les gens en une journée, c’est celui qui aura le droit de faire les poubelles du Mac Donald's le soir pendant 15 minutes. Notre plus grand espoir c’est de trouver des restes du filet O’ Fish, notre plat préféré. Pendant 15 minutes, on doit le regarder déguster les restes, sans bouger d’une griffe. et c'est souvent comme ça, puisque Driss gagne tout le temps le concours.
Driss est tellement kamikaze qu'on l’appelle Sadocat. L’autre jour, un enfant terrible a voulu l’attraper et Driss lui a griffé la main jusqu’au sang. L’enfant a hurlé et s’est énervé et lui a donné un gros coup pied dans les côtes. Driss a eu du mal à macher pendant plusieurs jours, mais il était plus que satisfait d'avoir griffer la main du garçon. Il nous a montré avec fierté le sang et la chair sous ses griffes. Parfois, il va même faire le beau auprès des gens, il tourne autour de leurs pieds en mraoulant gentiment et quand la personne se baisse pour le caresser, il l’a griffe violemment et disparait. Vous l'aurez compris, Driss déteste les hommes. Rassurez-vous, il n’est pas homophobe. Il déteste les femmes aussi et pire encore, les enfants. Et c’est normal quand on connait son histoire tragique. Sa mère s’est faite tuer en recevant une pierre dans la tête. Il était tout bébé. Sa maman l’allaitait encore. Elle était parti chercher à manger pour reprendre des forces et avait laissé Driss et ses frères et sœurs au fond d’un garage vide. Lorsqu’elle s’est approchée de la porte du garage pour entrer par un petit trou, une bande de gosses l’a encerclé. Ils criaient et riaient. La maman de Driss miaulait et soudainement, on attendait plus aucun miaulement. Les enfants se sont enfuis en ricanant. Quand Driss arriva avec difficulté au niveau de sa maman, elle était allongée sur le côté et avait du sang qui sortait de la tête. Driss commença à miauler et pleurer. Sa mère le regarda avec une petite larme et s’est éteinte. Driss s’est occupé de ses frères et sœurs jusqu’au jour où ils sont partis faire leur vie, jusqu’à leur majorité. A noter que chez nous la majorité c'est 6 mois. A partir de ce jour là, Driss est devenu kamikaze, il se fout de tout, ne respecte rien et si il n'est pas d'accord avec quelqu'un, il le dit haut et fort.
Mais bon, après ce brève aperçu de nos vies, n’allez pas croire que vivre ici au Maroc est un enfer. On a quand même des jours heureux. Beaucoup même. Je dirais même qu’on vit mieux que certains marocains. C’est vrai quand on y pense. On est par exemple bien plus libre. On peut aller où on veut sans passeport ni visa. Pas besoin de faire la queue dans les consulats pour partir à l’étranger, nous on va où on veut : Espagne, France ou Algérie. Plus de frontières. On les voit ces gens qui font la queue au consulat de France avec leur chemise en plastique qui renferme leur document. Nous, on est libre comme l’air. On dort où on veut. On mange ce que Dieu veut bien nous donner dans les poubelles. On n’est pas difficile. On ne paie pas de loyer, on ne paie pas d’essence, on n’achète pas le pain qui a flambé, on ne travaille pas, on ne vote pas, on ne s’abstient pas, on n’obéit à personne. On obéit qu’à nous même. On ne nous demande pas de montrer notre carte d'identité quand on drague ou flirte avec une petite chatte pour savoir si elle est notre femme et on ne paie pas de pot de vin. On est libre de chez libre. Et c’est ça que j’aime dans ma vie de chat marocain, ma liberté, une liberté que je n'échangerai jamais contre la vie d’un humain. Mais ce qui me passionne le plus, c'est d'observer la vie des marocains et des marocaines. Vous savez quand on est un chat, on voit beaucoup de choses, on comprend beaucoup de choses mais les gens pensent qu'on ne comprend rien...Et c'est ce que je vois que je vous raconte avec des mots simples...
Amuchez-vous bien,